Edward Hopper : retour sur 7 œuvres hors du temps

Pourquoi les toiles d’Edward Hopper sont-elles si connues ? En fin observateur, il peint les paysages et l’architecture de son époque. Mais, ce sont surtout ses tableaux sur le thème de la solitude et de l’isolement qui le rendent populaire. Il est fasciné par ce sujet qui reflète sa propre vie. Et pour cause, Edward Hopper est taciturne et introverti. Il lui arrive de s’enfermer dans son atelier et de ne pas parler à qui que ce soit pendant plusieurs jours. 

Ses œuvres mystérieuses, représentant des individus esseulés, provoquent une multitude d’interrogations et une certaine confusion. En effet, Edward Hopper ne se contente pas de reproduire ce qu’il voit, il exprime sa vision en altérant la réalité. Malgré l’impression de simplicité qui se dégage de ses créations, celles-ci sont d’une grande complexité émotionnelle. Ses scènes, comme suspendues dans le temps, renforcent davantage la sensation d’étrangeté et de mélancolie. Grâce à son style très reconnaissable, Edward Hopper est considéré comme le maître du courant réaliste américain

Pourtant, ses débuts en tant qu’artiste ne sont pas si faciles. Edward Hopper peine à trouver son public. Mais lorsqu’il rencontre « Jo », tout change. Bien que leur relation subisse des hauts et des bas, elle est un soutien sans faille pour son mari et devient même son manager. 

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Edward Hopper : un destin tout tracé 

Les parents d’Edward Hopper : un soutien inconditionnel

Edward Hopper naît à Nyack, près de New York, en 1882. Il est issu d’une famille ouverte d’esprit, qui l’incite à développer ses capacités créatives. Edward est un enfant intelligent, habile et plein de volonté. Son passe-temps favori : examiner les gens dans la rue et dessiner leurs expressions.

Avant d’étudier les beaux-arts, il s’initie à l’illustration. Il travaille brièvement dans ce domaine, mais il se sent vite bridé par les impératifs liés à la profession. Il veut créer ses propres productions.

Alors, avec l’appui de ses parents, il entreprend plusieurs voyages en Europe et pose ses valises à Paris où il perfectionne son art. Il découvre Edgar Degas et Édouard Manet, dont les représentations de la vie urbaine moderne lui plaisent et l’influencent beaucoup.

Une rencontre qui va changer sa vie

Au commencement de sa carrière, les toiles d’Edward Hopper ne s’écoulent pas. Néanmoins, il conçoit des gravures qui trouvent acquéreur, lui permettant de gagner un peu d’argent.

En 1923, il rencontre Joséphine Verstille Nivison, une artiste de talent qui sera le pilier de sa réussite. Elle devient son épouse et dirige également ses affaires. À la fois agente, impresario et gestionnaire des comptes d’Edward Hopper, « Jo » (comme il aime l’appeler) s’engage à corps perdu dans sa tâche au point de délaisser sa propre activité.

D’un tempérament jaloux, elle s’impose en tant que modèle pour presque tous les projets d’Edward Hopper où figurent des femmes. Chose qui ne lui déplaît pas car il y voit un côté pratique.

À 37 ans, il effectue sa 1re exposition qui ne remporte pas le succès escompté. En revanche, lors de sa seconde exposition aux Galeries Rehn à New York, c’est un énorme triomphe : toutes ses peintures sont vendues.

Edward Hopper : la patte de l’artiste

Obsédé par les conflits humains, Edward Hopper crée des œuvres déroutantes, empreintes de silence. Ses personnages sans mimiques n’interagissent pas avec leur environnement. Pour accentuer cette atmosphère, il élabore des décors sans vie dont le mobilier et les accessoires sont minimalistes, voire même absents. C’est cette particularité qui fera son succès. 

Cependant, avec l’explosion de l’expressionnisme abstrait dans les années 40, il perd les faveurs de la critique. Toutefois, Edward Hopper a de nouveau le vent en poupe dans les années 60 grâce à l’émergence d’une nouvelle vague d’artistes réalistes américains. 

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Des œuvres énigmatiques aux multiples interprétations

« C’est probablement le regard que chacun porte sur la toile qui détermine ce qu’elle est. »

Edward Hopper

Automat : quand la réalité dépasse la fiction

Automat est l’une des premières scènes urbaines réalistes de Hopper. Elle est capitale pour sa carrière. Son titre fait référence aux restaurants sans serveurs qui apparaissent entre la 1re et la 2e guerre mondiale aux États-Unis.

Comme dans un distributeur automatique, le client achète des plats présents derrière des vitrines en insérant de la monnaie. À New York, on peut y prendre un café jusque tard dans la nuit. Des tables pour les femmes célibataires sont également réservées. 

Dans cette peinture, la réalité est déformée puisque les mets sont absents. De plus, la protagoniste s’avère être seule alors qu’à l’époque, ces établissements sont très fréquentés.

Le message d’Edward Hopper est fort. Il interpelle sur la façon dont l’ère moderne modifie les interactions humaines en remplaçant les lieux de rencontre animés par des espaces solitaires gérés par des machines.

Room in New York : la solitude en couple

« J’ai mûri l’idée du tableau Room in New York pendant longtemps avant de le peindre. Il m’a été suggéré par des appartements illuminés entre aperçus lors de mes promenades nocturnes dans la ville. Probablement non loin de là où je vis. Cependant, il ne s’agit pas d’une rue ou d’une maison en particulier, mais plutôt d’une synthèse de plusieurs impressions. »

Edward Hopper

Encore un coup de génie d’Edward Hopper qui produit ce chef-d’œuvre pour le moins étrange. En entrant dans l’intimité de ce foyer, le spectateur se positionne en tant que voyeur sans le vouloir. Les visages délibérément flous du couple ne permettent pas de déterminer ce qui se joue. Par ailleurs, la solitude qui émane de la scène est en contradiction totale avec la proximité physique des deux personnages. Autant d’éléments qui rendent l’histoire inexplicable et sujette à des interprétations infinies.

New York Movie : théâtre de tous les mystères

Quand Hopper manque de créativité, il passe son temps au cinéma. Son attrait pour les salles obscures est une source d’inspiration qu’il utilise pour cette peinture empreinte de tristesse. L’œil est immédiatement attiré par l’ouvreuse à la mine soucieuse. Cherche-t-elle à éviter le regard d’un individu qui descend l’escalier ? Peut-être est-elle simplement distraite, lassée de visionner le même film continuellement ? 

Mais ce qui rend cette toile si inhabituelle se situe à gauche. En effet, il y a très peu de monde dans la salle. Un détail qui a son importance quand on connaît la réalité bien différente des théâtres de Times Square en 1939. 

Encore une fois, Edward Hopper matérialise un lieu de vie généralement bondé et animé pour le montrer dépeuplé. L’écran de cinéma est sciemment absent pour mettre en avant cette image secondaire de solitude.

Gas : quand l’homme prend le pas sur la nature

Il s’agit d’un condensé d’éléments observé par Edward Hopper dans plusieurs stations-service de bords de routes. La lumière artificielle, en contraste avec le coucher du soleil et l’employé travaillant seul, donne un sens dramatique au tableau.

Ici, le but d’Edward Hopper est de mettre en opposition la nature et la modernité. Il ne souhaite pas simplement décrire une scène, il retranscrit de manière exacte la solitude qu’il ressent lorsqu’il emprunte les chemins de campagne américains. 

En effet, les Hopper voyagent beaucoup. Ils partent régulièrement en voiture de New York et traversent le pays jusqu’en Californie. La majorité de leurs périples ont un intérêt précis : démarcher les musées susceptibles d’acquérir les toiles d’Edward Hopper. 

Nighthawks : une rencontre obscure

« Inconsciemment, je peignais probablement la solitude d’une grande ville. »

Edward Hopper

Nighthawks, que l’on peut traduire par oiseaux de nuit ou noctambules, est probablement la conception la plus notoire d’Edward Hopper. Une fois de plus, ce n’est pas une retranscription réaliste d’un lieu même si il s’est inspiré d’un restaurant sur Greenwich Avenue à New York. C’est une œuvre intrigante car de nombreux détails ne collent pas.

Que font ces gens ensemble au beau milieu de la nuit ? Comme dans la plupart des compositions d’Edward Hopper, ils paraissent tous absorbés par leurs pensées et ne communiquent pas entre eux. D’autre part, où se trouve l’entrée de l’établissement ? Il n’y a ni porte pour les rejoindre à l’intérieur du restaurant ni signes distinctifs sur les vitres pour identifier le lieu.

La scène est délibérément épurée. Pas d’objets superflus ni de passants ou de déchets dans la rue. L’éclairage du Diner attire immédiatement le regard, comme pour inviter le spectateur à venir. Les jeux d’ombre et de lumière évoquent un plateau de cinéma. D’ailleurs, l’ambiance singulière des toiles d’Edward Hopper influencera plusieurs cinéastes.  

Morning Sun : isolement dans la ville

Cette femme assise seule sur un lit face à une fenêtre baignée par la lumière matinale du soleil, a l’air banale. Pourtant, Edward Hopper évoque ici un sujet qui le préoccupe : la solitude de la vie urbaine impersonnelle.

C’est encore Jo qui sert de modèle à Edward Hopper. À l’instar de toutes ses scènes d’isolement, la protagoniste a l’esprit ailleurs. Malgré tout, on ne perçoit pas de tourment, mais plutôt un sentiment de calme et de paix. L’œil visible de la femme est noir, comme aveugle, mettant ainsi en avant son introspection intérieure.

Second Story Sunlight : incompréhension générationnelle

C’est l’un des derniers chefs-d’œuvre d’Edward Hopper qu’il crée à l’âge de 76 ans. On y voit deux dames de générations différentes qui prennent le soleil sur un balcon. La jeune fille scrute l’horizon tandis que la femme plus âgée semble décrocher de sa lecture pour regarder dans la même direction, comme si quelque chose venait de troubler ce moment d’oisiveté.

La mise en scène est soignée. Chacune des protagonistes est encadrée par 2 fenêtres en arrière-plan. Les contrastes sont intenses entre l’architecture austère et éclairée, la forêt verte sans mouvement et le ciel bleu vif. 

Où sommes-nous ? Difficile à dire. Peut-être au bord de la mer au vu de la lumière du soleil d’été, probablement à Cape Cod où Edward Hopper passe toutes ses vacances pendant près de 40 ans. La pente des arbres porte à croire que la maison se situe sur une colline, comme celles que l’on trouve sur le littoral de Cape Cod.

Qui sont ses deux femmes ? Ont-elles un lien de parenté ? Que font-elles là ? Autant de questions sans réponses qui laissent planer le doute sur cette toile.

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Edward Hopper est un artiste à contre-courant qui livre une vision désenchantée du rêve américain. Captivé par les objets et les gens ordinaires, il parvient à les doter de profondeur et d’ambivalence. Il trouble nos perceptions et nous incite à réfléchir sur des sujets intimes tels que la solitude, l’introspection et nos relations aux autres. Hopper nous invite à entrer dans l’esprit de ses personnages pour tenter de décrypter leurs pensées secrètes. 

Aujourd’hui, les questions qu’il soulève dans ses œuvres restent d’actualité. Ses thèmes universels touchent un large public, et c’est ce talent exceptionnel qui fait d’Edward Hopper l’un des artistes américains les plus célèbres du XXe siècle.

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Sources : 

https://whitney.org/artists/621 https://www.moma.org/collection/works/80000 https://www.fondationbeyeler.ch/fr/expositions/expositions-precedentes/edward-hopper https://www.artic.edu/artworks/111628/nighthawks https://www.metmuseum.org/toah/hd/hopp/hd_hopp.htm https://emuseum.desmoinesartcenter.org/objects/41752 https://sheldonartmuseum.org/work/hopper-room https://www.edwardhopper.net/room-in-new-york.jsp https://www.moma.org/collection/works/79616 https://www.moma.org/audio/playlist/291/3769 https://www.beauxarts.com/grand-format/nighthawks-dedward-hopper-un-phare-dans-lennui https://www.columbusmuseum.org/blog/2020/05/12/pocketguide-to-cma-edward-hoppers-morning-sun https://www.edwardhopper.net/morning-sun.jsp https://whitney.org/collection/works/873 https://www.wsj.com/articles/SB10001424052702304537904577277842518140170 https://www.beauxarts.com/grand-format/edward-hopper-en-2-minutes/#:~:text=Alors%20que%20les%20avant%2Dgardes,il%20livre%20une%20vision%20d%C3%A9sabus%C3%A9e.

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